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Les antiseptiques

Les antiseptiques
De tous temps, la lutte contre les maladies infectieuses a tenu une place importante. Bien avant que le mot antiseptique ne soit employé, de nombreuses substances sont utilisées pour éviter le risque de contamination.
Dans la mythologie de l’antiquité gréco-latine, ASCLEPIOS ou ESCULAPE, dieu de la médecine, avaient deux filles : HYGIE et PANACEE.
HYGIE protégeait la santé. Elle est entrée dans la langue française au XVIème siècle avec le mot « hygiène ».
PANACEE rétablissait la santé à l’aide de médicaments. Au moyen-âge PANACEE est devenue nom commun signifiant remède universel à tous les maux.
Dès l’antiquité, de nombreuses substances : (épices, essences, huiles végétales), étaient utilisées pour empêcher la putréfaction des plaies et l’infection des blessures. Intuitivement l’origine environnementale de certaines maladies était reconnue. Certaines précautions étaient donc prises : eau bouillie, fumigations des salles d’opération.
Ainsi, au cours du temps, les traitements empiriques intuitifs et parfois surnaturels ont évolués pour atteindre des bases scientifiques à la fin du XIVème siècle.
Mais, c’est en fait au XVIIIème siècle que le mot antiseptique fut employé par PRINGLE. Ce médecin militaire écossais, classa un grand nombre de substances appliquées sur la peau et les plaies (camphre, acides…). C’est également à cette période que furent découvertes les principales molécules encore utilisées actuellement.

ØEn 1774 : SCHEELE (1749-1786) chimiste suédois découvrit le chlore.
ØEn 1789 : BERTHOLLET (1748-1822) chimiste français, découvrit les hypochlorites. Il les développa dans le petit village de JAVEL, aujourd’hui quai de JAVEL dans le 15ème arrondissement de PARIS. Ceci explique la dénomination d’un produit chloré : eau de JAVEL.
ØEn 1811 : BERNARD COURTOIS (1777-1838) chimiste français isola l’iode à partir de cendres de plantes marines.
ØEn 1929 : LUGOL, médecin français, utilisa ce produit dans le traitement des maladies scrofuleuses (adénopathies cervicales chroniques). La teinture d’iode a été utilisée en 1839 contre la goutte, l’anthrax, le panaris, puis largement employée pour traiter les blessures de guerre.
ØLes fondements scientifiques de l’antisepsie et de la désinfection reposent sur les découvertes de PASTEUR. La théorie des micro-organismes responsables d’un certain nombre de maladies infectieuses marqua la rupture avec les pratiques antérieures. La microbiologie, nouvelle discipline concourut à rendre plus performantes les mesures et pratiques d’hygiène.
ØA partir de 1970, l’élaboration par l’AFNOR. (association française de normalisation) de protocoles normalisés d’étude a permis une meilleure connaissance des propriétés antimicrobiennes des antiseptiques et désinfectants. A la même période, la pharmacopée française introduit en Juillet 1985 une note propharmacopée sur les préparations antiseptiques. La monographie en vigueur actuellement date de 1990.
ØUn comité européen de normalisation CEN TC 216 « antiseptiques et désinfectants » a été créé dans le but d’harmoniser les normes dans les différents pays européens.


DEFINITIONS
ETHYMOLOGIE
Le mot ANTISEPTIQUE (du grec "anti" : contre et "septikos" dérivé de "sepein" : corrompre) a été utilisé pour la première fois par PRINGLE en 1750 pour qualifier une substance capable de prévenir la détérioration de la matière organique.
Au milieu du XIXè siècle, il s’applique à des produits capables de détruire les microbes pathogènes.

ANTISEPSIE
"Opération au résultat momentané permettant au niveau des tissus vivants, dans la limite de leur tolérance, d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus, en fonction des objectifs fixés.
Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes et/ou virus présents au moment de l’opération" (AFNOR Mars 1981 NF T 72-101).

ANTISEPTIQUE
« Produit ou procédé utilisé pour l’antisepsie dans des conditions définies.
Si le produit ou le procédé est sélectif, ceci doit être précisé. Ainsi un antiseptique ayant une action limitée aux champignons est désignée par : antiseptique à action fongicide" (AFNOR Mars 1981 NF T 72-101).
La Xe édition de la Pharmacopée française (Janvier 1990) apporte quelques éléments supplémentaires à cette définition :
Les antiseptiques sont "des préparations ayant la propriété d’éliminer ou de tuer les microorganismes ou d’inactiver les virus sur des tissus vivants (peau saine, muqueuses, plaies). Elles sont présentées dans leur forme d’utilisation et sont utilisées telles quelles sauf exception justifiée et autorisée ».
Elles présentent une activité antibactérienne, antifongique, antivirale.
La destination d’emploi des préparations antiseptiques est précisée : peau saine, muqueuses, plaies, ainsi que la durée d’application nécessaire à l’obtention de l’activité.
En fonction de l’indication, l’inactivation par d’éventuelles "substances interférentes" ainsi que les incompatibilités sont indiquées.
Elles n’altérent pas les tissus sur lesquels elles sont placées (tolérance)."

ASEPSIE
"Ensemble des mesures propres à empêcher tout apport exogène de micro-organismes ou de virus" (AFNOR Mars 1981 NF T 72-101).

• DESINFECTION
"Opération au résultat momentané permettant d’éliminer ou de tuer les micro-organismes et/ou d’inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes contaminés, en fonction des objectifs fixés.
Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes et/ou virus présents au moment de l’opération" (AFNOR Mars 1981 NF T 72-101).

DESINFECTANT
"Produit ou procédé utilisé pour la désinfection ou la décontamination dans des conditions définies" (AFNOR Mars 1981 NF T 72-101).

REMARQUES ET RAPPELS
Tout tissu vivant doit être propre avant d’être « aseptisé » ; toute surface inerte doit être propre avant d’être désinfectée.
La décontamination, le nettoyage doivent avoir lieu avant la désinfection.
Selon le Comité Européen de Normalisation, le terme d’antisepsie devrait être réservé au cas où l’opération est destiné au traitement d’une infection constituée, le terme de désinfection désignant une opération visant à prévenir une infection. On parle ainsi de désinfection de la peau saine, de désinfection des mains, mais d’antisepsie d’une plaie.
En ce qui concerne le lavage et la désinfection des mains, la normalisation européenne utilise le terme "hygiénique" à la place du terme "antiseptique". On parle ainsi de lavage hygiénique des mains lorsqu’on utilise un savon antiseptique, et de friction hygiénique lorsqu’on utilise une solution hydro-alcoolique pour la désinfection des mains sans rinçage.
MODE D’ACTION DES ANTISEPTIQUES ET DES DESINFECTANTS
•Les antiseptiques et désinfectants sont capables d’inhiber la croissance des micro-organismes (bactériostase, fongistase, virustase), ou d’avoir une action létale (bactéricidie, fongicidie, virucidie, sporicidie). Certains antiseptiques et désinfectants présentent ces deux modes d’action en fonction des doses. D’autres ont toujours une action létale ou toujours une action bactériostatique ou fongistatique quelle que soit la concentration utilisée.
•La rémanence désigne l’effet anti-microbien de l’antiseptique persistant sur la peau (ou du désinfectant persistant sur une surface).
•Le mécanisme d’action des produits varie d’une famille d’antiseptiques à l’autre : coagulation des organites intracellulaires, altération de la membrane,…
•Selon leur nature et leur concentration, les antiseptiques et désinfectants ont une ou plusieurs cibles à l’intérieur de la cellule. Ils doivent donc traverser la paroi cellulaire pour exercer leur action.

RESISTANCE BACTERIENNE AUX ANTISEPTIQUES ET DESINFECTANTS
L’élément majeur de la résistance est la paroi de la cellule bactérienne. En effet, la majorité des antiseptiques et désinfectants exercent leur action essentiellement au niveau de la membrane cytoplasmique et doivent donc traverser la paroi. Chez les souches devenues résistantes, ces mécanismes de passage sont altérés.
Ainsi, les mycobactéries, dont la membrane externe est très épaisse, sont plus résistantes que les bactéries à Gram négatif, elles-mêmes plus résistantes que les bactéries à Gram positif .
NB : Le phénomène inverse intervient pour les virus : les virus enveloppés (ex : VIH) sont plus sensibles que les virus nus (ex : Poliovirus) car l’enveloppe externe riche en lipides est facilement désorganisée par les antiseptiques et désinfectants, ce qui provoque l’inactivation du virus.
1. La résistance naturelle ou intrinsèque
La résistance naturelle est un caractère inné, stable, de l’espèce ou de la souche bactérienne. Elle détermine le spectre d’activité des antiseptiques et des désinfectants
2. La résistance acquise
La fréquence des résistances acquises aux antiseptiques et désinfectants est nettement inférieure à la fréquence des résistances acquises aux antibiotiques.
2.1. Résistance acquise chromosomique
La résistance chromosomique peut être obtenue expérimentalement en faisant cultiver certaines espèces bactériennes (bacilles à Gram négatif : Serratia marcescens, Providencia stuartii, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa) en présence de concentrations sublétales de produit (chlorhexidine, ammoniums quaternaires, peroxyde d’hydrogène, formol, polyvinylpyrrolidone iodée ou PVPI).
2.2. Résistance acquise extrachromosomique
Le caractère de résistance à un ou plusieurs antibactériens est porté par un plasmide, petit fragment d’ADN indépendant du chromosome, transmissible d’une bactérie à l’autre et héréditaire.
Quelques gènes de résistance aux antiseptiques sont connus :
- gène qac (quaternary ammonium compound) code pour la résistance aux ammoniums quaternaires. Cette résistance peut être associée à une résistance à la chlorhexidine.
- gène mer, code pour la résistance aux dérivés mercuriels. Il s’agit d’une résistance très fréquente.
Dans la pratique, le problème se pose lorsque les bactéries sont résistantes à des concentrations proches ou supérieures de la concentration d’emploi. Une diminution de la concentration du produit peut entraîner l’émergence d’une résistance des bactéries. Les circonstances de réduction de l’activité des antiseptiques et désinfectants sont nombreuses : matières organiques, substances interférentes, vieillissement du produit…
Il est donc essentiel de respecter scrupuleusement les conditions d’utilisation des produits (concentrations et mode d’emploi) afin d’éviter l’émerge


HALOGENES
PRODUITS CHLORES
Depuis plus de deux siècles, les produits chlorés sont utilisés en milieu industriel et médical pour leurs propriétés blanchissantes, désodorisantes et désinfectantes.
1. Principaux produits et présentation
Jusqu’à un titre de 5 degrés chlorométriques, les produits chlorés peuvent être utilisés comme antiseptiques de la peau saine, des muqueuses, et pour l’irrigation des plaies. A des titres supérieurs, ils sont irritants pour la peau et sont utilisés comme désinfectants (ex : eau de Javel).
Le degré chlorométrique de Gay-Lussac correspond au nombre de litres de chlore gazeux qu’un litre de solution ou d’extrait est capable de dégager en présence d’un acide dans des conditions normales de température et de pression. Un degré chlorométrique équivaut à 3,17 g de chlore actif par litre.
solution neutre diluée d’hypochlorite de sodium ou soluté de Dakin (Pharmacopée française Xème éd)*
C’est une préparation officinale ou hospitalière dont le délai de péremption est court : 2 à 3 semaines maximum.
• Dakin Cooper stabilisé® (AMM) : flacons de 250 ml, 500 ml ou 1 litre, monodose de 60 ml.
Il s’agit d’une spécialité pharmaceutique dont le pH, le système tampon et le conditionnement permettent d’allonger le délai de péremption à 30 mois. La durée de conservation du flacon une fois ouvert ne doit pas excéder 15 jours. Le titre en chlore actif est identique a celui du soluté de Dakin
*Le soluté de Dakin titre 5 g/l (0,5%) soit 5000 ppm (partie pour million) en chlore actif ou 1,5 degré chlorométrique.
• Amukine® (AMM) : flacon de 125 ou 250 ml
Le délai de péremption de cette spécialité pharmaceutique est de 36 mois (flacons non ouverts) et 15 jours maximum après ouverture.
Ce médicament titre 0,6 g/l (0,06%) soit 600 ppm en chlore actif ou 0,2 degré chlorométrique.